MCp74 - AU COIN DES POÈTES

Production poétique des anciens élèves de la promotion de 1974, du lycée Marie Curie de Saigon, Vietnam. Pour nous joindre, écrivez à mariecuriep74@gmail.com. Mise en page: Lưu Thị Phương Trinh TD2

Monday, February 27, 2006

Joce Nguyễn Bá Thu Hương TA1



1. Liens inutiles 2. Vingt ans en l'an soixante-seize
3. Prénom oublié 4. Jean-Charles



1. Liens inutiles
posted Dec 12, 2004

Tu es entré ici au début de septembre,
Le premier jour du mois, par une porte étroite.
Tu en es ressorti le trente et un décembre,
Il pleuvait sur les toits et sur l'asphalte moite.

Je n'ai même pas pleuré, la pluie a tout noyé,
La lumière était jaune au métro « Château Rouge »,
Marchant d'un pas distrait je me suis demandé
Si tu finirais la bouteille de rouge que j'avais achetée,

Ou si, comme un bain de sang dans ton lavabo,
S'en irait notre vin quatre mois partagé,
Quatre mois partagé s'éteindrait ce halo
Que la nuit provoquait blanchissant nos rideaux,
Lumignon d'ivresse et d'électricité.

Je ne reviendrai plus, l'amour est bien fini.
Les objets sont restés. Il pleuvait sur la ville.
Je me suis demandé si nos liens inutiles
T'auraient laissé le goût d'un certain infini.

Joce
Ermont, décembre 76 - janvier 77



2.Vingt ans en l'an soixante-seize
posted Dec 12, 2004

J'écris des poèmes d'amour et d'infini
Pour avoir eu vingt ans en l'an soixante-seize,
Mais je suis de ceux qui, en l'an deux mille vieillis,
Feront du siècle mort des mémoires de braise.

Dans ma salle de bains brassant l'éternité,
Pleurant l'amour perdu à la fin de l'année,
L'univers entier tenant dans ma baignoire,
Je fais de ma jeunesse le récit dérisoire :
Il y a la ville perdue et la ville gagnée,
Et la fille perdue et l'homme de trente ans,
Et cette nuit de flirt avec tous ces passants,
Et ma course éperdue dans Paris embrasé.
Sachant où va la vie sans savoir comment vivre,
Lucide le matin mais toutes les nuits ivre,
Hurlant de désespoir à ce long crépuscule,
Puis désespérée à cause du ridicule.

J'écris des poèmes d'amour et d'infini
Pour avoir eu vingt ans en l'an soixante-seize.

Joce
Ermont, hiver 76-77



3. Prénom oublié
posted Dec 15, 2004

Le temps n'est plus où il faut rire du coeur,
Passent les années, et cette année de pleurs.
J'étais très jeune sous le ciel très bleu,
Et Montmartre vivait sa vie de bohème.

Dessus ses escaliers nos pas sonnaient creux,
Au loin le Sacré Coeur voguait tel une trirème.
Sur la Butte on parlait toutes les langues
C'était un été doré comme une mangue,
Le grenier où j'étais bruissait de chansons,
Et malgré la chaleur, il y faisait bon.

Le temps était encore où je riais du coeur,
Car de ce temps-là je me croyais une fleur.
Il arriva alors par un jour de démence,
Un nom, un pays, une existence,
Et jusqu'alors vide, mon petit horizon
S'est chargé du poids d'une passion.

Puis je suis partie, dans le Midi,
Vers la Grande Bleue, de nouveaux cieux.
Les vagues battent les plages plates,
Les rochers aigus percent le ciel cru.

Puis j'ai oublié
Cette belle année.
Montmartre, à pas de loup,
Se retire dans son trou.
Ô champs d'avoine !
Adieu, Antoine.

Joce
Ermont, septembre 75



4. Jean-Charles
posted Feb 22, 2006

Voici ma contribution dernière à notre cahier de roulement de la Saint Valentin. Le poème que je vous livre ici n'est peut-être pas très romantique, mais trente ans le séparent de mes amours de jeunesse. A vous de juger lequel des deux amours vous préférez, celui qui dit "Je t'aimerai toujours, mais je te quitte demain" ou celui qui murmure : "J'ai peut-être cessé de t'aimer, mais rien ne me fera te quitter".

Crois-tu vraiment que main dans la main
Nous avons vécu tous ces étés
Sans que jamais la main n’ait lâché
Sans que jamais l’amour ne soit feint?

Crois-tu vraiment que nos yeux soudés
Durant ces longs automnes atones
D’où que vienne l’orage qui tonne
N’aient jamais, ah non, jamais cillé?

Que dire des hivers qui se traînent
Et nous glacent jusque dans les veines
Que dire des larmes, des cris étouffés,
Qui nous brûlent pire qu’un bûcher?

Je sais, Jean-Charles, que tu as su
Tout ce que j’ai dû dissimuler,
Mes demi-tours et mes échappées,
Mes « pour toujours » et mes « jamais plus ».

Mais je sais aussi que peu t’importent
Les fleurs que d’autres laissent à ma porte,
Les mots qu’ils répandent sous mes pas,
Je sais que tu n’en fais pas grand cas.

C’est à cela que sert le printemps,
Qu’avec toi je vis bon an mal an.
Ah, il n’est pas près d’être arrivé
Celui qui pourrait tout bousculer,

Celui qui romprait la corde tressée
Pendant nos jours, nos nuits, nos veillées,
Au-delà de toutes tes absences,
Au-delà de toutes mes errances,

Ah il n’est pas encore né celui qui,
Juste pour m’arracher un cri,
Mettrait à bas la grand muraille
Que nous avons tissée maille à maille.

C’est pour cela qu’aucune saison
N’est dure à vivre dans ta maison,
Et rien ni personne, ni l’amour même
Ne m’empêchera de dire « Je t’aime ».

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